DOSSIER Difficultés de recrutement chez les opticiens : comment y remédier ?

De nombreux médias en ont fait un sujet cette année. Les difficultés de recrutement sont devenus systématiques, presque endémiques. Restaurateurs ou boulangers obligés de modifier leurs horaires d’ouverture par manque de personnel…Le secteur de l’optique n’y échappe pas. Pourquoi ? Comment y remédier ? On essaie, dans ce nouveau dossier de dégager quelques pistes…

Difficultés à recruter : le Big Quit en première ligne

Les problèmes de personnel ont démarré bien avant 2022. Quasiment deux ans auparavant d’ailleurs. En cause ? La pandémie de Covid qui a sévit à l’aune de l’année 2020, et qui n’est toujours pas refermée, a transformé le monde du travail. Jamais, d’ailleurs, dans l’Histoire de l’humanité, une telle remise en question de nos modèles professionnels n’avait eu lieu. Et surtout pas de manière si brutale et rapide.

Pourtant, lorsque le virus a frappé, et que le monde entier s’est retrouvé cloîtré afin d’en freiner la propagation, nous nous pensions préparés. Bien sûr, ceux chargés de rester ouverts, les « commerces essentiels », ont dû être les premiers à s’adapter. Pour les autres, pas de souci particulier. Le télétravail, nombreux l’avaient expérimenté avec plus ou moins de réussite, mais les outils étaient là, la volonté d’en terminer au plus vite aussi.

Pourtant, tout ne s’est pas passé comme prévu. Bien entendu, les confinements se prolongeant, l’économie mondiale en a souffert. On réalisait les difficultés dans un système mondialisé où tout est relié. Puis arrivèrent les problématiques internes, familiales, personnelles. De nombreux actifs ont eu la sensation de passer à côté de quelque chose, qu’il s’agisse de leur vie familiale, professionnelle, du manque de temps…Soudainement, les critères relatifs au choix d’un « bon job » se modifiaient. D’autre part, la crise climatique s’intensifiant, la remise en question d’un système énergivore et sans plus-value faisait son chemin.

La remise en question fut telle qu’un phénomène nouveau apparut : le Big Quit. Ce fut le nom donné à la vague de démission qui  submergea le monde du travail. En France, au quatrième trimestre 2021, on a dénombré 518 000 démissions, 8000 de plus que le record établi fin 2008, en pleine crise économique. Et ce record fut rapidement battu au premier trimestre 2022, avec 523 000 démissions. Un phénomène qu’on retrouve partout en Europe, mais aussi au Canada et aux États-Unis.

Les plus jeunes, issus de la génération Y, sont les premiers à prendre en compte cette nouvelle « quête de sens », aux antipodes des générations précédentes.

La place des opticiens au milieu des difficultés de recrutement

Du côté du secteur optique, les difficultés de recrutement sont connues depuis longtemps. En 2018, un sondage conduit par acuité.fr montrait déjà tout le mal que connaissaient les responsables de magasin pour étoffer leur équipe. À l’époque, seulement 28%  d’entre eux (47%) ne connaissaient aucun problème pour recruter. Mais la différence, c’est qu’à l’époque, près de la moitié estimaient que le manque de compétence en était la cause principale. Aujourd’hui, c’est surtout le manque de candidat qui fait défaut.

Surtout, les taux ne sont plus les mêmes. Depuis septembre 2022, 95% des opticiens connaissent des difficultés de recrutement (d’après un nouveau sondage conduit par Acuité). Le manque de candidats en est la raison principale pour  75% des répondants. Le manque de compétences a, lui, chuté à 25%. Sur le portail des décideurs de l’optique, près de 1 500 annonces d’emploi sont encore à pourvoir. Un record.

Devant l’urgence, de nombreux acteurs ont décidé de prendre le taureau par les cornes.

Que faire pour pallier à ces difficultés ?

Comment rendre le métier d’opticien plus attractif ? Ce sujet, nous nous en étions emparés il y a quelques mois sur le blog. La remise en question perpétuelle d’un secteur nous apparaît essentielle. Particulièrement lorsqu’il bouge très vite. Mettre en avant cette remise en question, ces changements demeurent primordiaux.

La formation, déjà, se met au goût du jour. Une réforme est toujours à l’étude. Le groupe Krys a décidé de créer et lancer son propre CFA (Centre de Formation en Alternance) baptisé « L’École par Krys Group. » Cette école « permettra à la coopérative de pallier les difficultés de recrutement qui frappent le secteur et de se constituer un vivier de talents dotés de tous les savoir-faire et savoir-être indispensables à la réalité du terrain chez Krys Group. »

Des tables rondes ont permis de discuter des enjeux autour des difficultés de recrutement. Les sujets : comment redonner toute son attractivité au métier et management intergénérationnel : mieux comprendre la génération Z. Car l’élément premier, nous l’avons vu, demeure sur l’attractivité de la génération qui arrive sur le marché du travail.

Le verrier Carl Zeiss Vision a déployé une campagne publicitaire afin de promouvoir le métier d’opticien, en visant encore et toujours les plus jeunes.

Aussi, il apparaît alors évident que, face aux nouveaux critères choisis par cette dernière, tous les secteurs devront s’adapter à une nouvelle dimension de la valeur travail. Une valeur qui existe toujours, bien sûr, mais qui prend des formes bien différentes. Certains secteurs devront non seulement se remettre en cause, mais faire avec leurs impondérables. Un commerce restera un commerce, mais il peut se démarquer. Que ce soit dans l’approche (environnementale, numérique…) ou dans le modèle ( lien de subordination différent, plus grande confiance accordée aux employés, déplacement à domicile…), il deviendra nécessaire de faire plus que des ajustements.

Dominique Cuvilier résume assez bien l’idée, en parlant d’une « économie de l’attention pour attirer leurs futurs collaborateurs en quête de sens et très attentifs à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ». Les opticiens devront « s’emparer de cette nouvelle dimension » pour pallier à leurs difficultés de recrutement.

Cette fois, la remise en question sera plus marquée que les précédentes.

Sources : acuité.fr, fréquenceoptic.fr