DOSSIER Science-Fiction : les lunettes de pouvoir !
Dans la culture populaire, les lunettes ont parfois été des objets d’une valeur inestimable. Davantage corrélées à la mode qu’à un simple équipement dans la seconde moitié du XXème siècle, elles ont eu l’opportunité d’offrir quelques atouts surprenants. Magiques, technologiques ou carrément dévastatrices, les lunettes de science-fiction sont parfois allées très loin. Ce dossier décalé vous les présente.
Lunettes et science-fiction : un lien pas évident et un démarrage difficile
Les lunettes ont mis un certain temps à faire leur entrée sur le parvis de la science-fiction. Les premières œuvres mettaient davantage l’accent futuriste sur les moyens de transport. Fusées, avions supersoniques, véhicules volants…À une époque où la guerre est constamment dans les esprits, où les empires tentent encore de s’étendre, il faut montrer ses muscles. Ce n’est que plusieurs années plus tard que les lunettes auront, dans la culture populaire, un écho puissant. En effet, lorsque les lunettes commencent à inonder le marché, elles sont exclusivement un dispositif médical. Surtout, elles sont destinées à ceux qui ont des problèmes de vue. En face, les héros et les pilotes de chasse ont eux, une vue proche de la perfection. Devoir posséder des lunettes correctrices revient plutôt à se retrouver dans le camp des « faibles. »
À partir du moment où l’optique se libéralise, où la mode s’en empare, dans un pays — les États-Unis — qui est le premier à se lancer dans la grande consommation, à posséder une classe sociale dite « moyenne », à impulser un nouvel élan dans un commerce international fracassé par des années de guerre, le statut des lunettes, et de leurs porteurs, va changer.
La mise en avant de modèles qui feront le tour du monde, comme le modèle Aviator de Ray-Ban, vont renforcer le pouvoir séducteur des lunettes, avant de s’attaquer à un pouvoir beaucoup plus grand. Toujours venu des États-Unis, les fameux comics vont lancer une recette qui, à ce jour, fonctionne toujours à plein régime. Bien souvent, les héros de ces bandes dessinées sont des gens abîmés par la vie. Dans les premières années de l’après seconde guerre mondiale, les comics de la franchise DC commencent à connaître un succès florissant, avec des héros comme Superman et surtout Batman, héros de science-fiction sans pouvoir magique, mais avec un équipement de très haute volée. C’est au plus fort de la guerre froide, au début des années 60, qu’une autre franchise, Marvel Comics, met en avant d’autres héros américains, aux passés douloureux et dont la condition va permettre de protéger les citoyens.
Des héros « comme les autres »
La science-fiction ne fait désormais plus seulement la part belle aux puissants. Des gamins ordinaires sont, par les aléas de la vie, le deuil, les accidents, transformés en héros quasi-invincibles. Ainsi, l’étudiant intelligent mais insignifiant Peter Parker devient Spiderman après s’être fait mordre par une araignée et décide de protéger la population après l’assassinat de son oncle. Le jeune « raté » Matt Murdoch, devenu aveugle à la suite d’un accident se transforme en DareDevil tout en réussissant une grande carrière d’avocat…Même les richissimes Bruce Wayne et Tony Stark, à la vie toute tracée, verront leur destin basculer. Le premier assiste impuissant à l’assassinat de ses parents quand l’autre devient un vétéran mutilé du Vietnam.
Ces biographies qui utilisent le même schéma narratif ont donc permis de lancer une nouvelle catégorie de héros. Ceux-ci, s’ils utilisent encore des armures ou des véhicules supersoniques, possèdent également des équipements considérés comme faisant partie de la vie de tous les jours. Parmi ces équipements, les lunettes tiennent un rôle fondamental, et offrent un pouvoir sans limite.
Des lunettes en avance sur leur temps, qui deviennent des armes ou montrent la réalité
Ainsi, la science-fiction s’est appropriée les éléments de notre vie quotidienne en y ajoutant des caractéristiques d’exception, souvent avec un remarquable temps d’avance. C’est le cas des lunettes. Prenons l’exemple d’Iron Man. Ses lunettes, baptisées EDITH, sont à la fois un système de sécurité, de défense et d’intelligence tactique en réalité augmentée. EDITH est le nom de l’IA logée dans les lunettes et donne accès à son utilisateur au réseau satellite mondial de Stark Industries ainsi qu’à un arsenal de missiles et de drones. Elles sont contrôlées via une interface de réalité augmentée, comme le font les smart glasses d’aujourd’hui. Des commandes vocales et des gestes de la main permettent à l’utilisateur de commander l’IA et d’accéder à ses multiples fonctionnalités.
Dans X-Men, le jeune Scott Summers est un mutant qui possède un pouvoir optique considérable, mais devant être canalisé. Il possède pour cela des lunettes spéciales qu’il est obligé de porter, sans quoi il subirait des douleurs insoutenables. Lorsqu’il est affublé de sa tenue de X-Men, il possède une visière « parsemée de poudre de cristal de quartz-rubis, se compose de deux lentilles plates, montées dans le sens de la longueur et qui peuvent se rétracter vers l’intérieur, permettant l’émission de son rayon avec une taille variable. Le mécanisme de la visière est contrôlé par un système de deux moteurs électriques miniatures avec sur le côté un bouton, qui permet d’abaisser automatiquement la visière lorsque Cyclope veut se servir de son pouvoir. Il dispose aussi de déclencheurs situés dans la paume de ses gants. Pour assurer une sécurité constante, des ressorts maintiennent une pression sur la visière. » Ce dispositif optique devient donc une arme mortelle. Science-fiction et lunettes de sont plus incompatibles.
Mais il n’y a pas que les comics qui ont fait des lunettes des objets de pouvoir. Dans le film « They Live » (Invasion Los Angeles) de John Carpenter, un homme découvre un paire de solaires capables de montrer le monde tel qu’il est réellement. Et il n’est pas beau à voir ! En effet, le monde réel est gouverné par des extraterrestres qui ont asservi la population à l’aide d’une propagande subliminale constante. Une dystopie devenue culte qui se veut une critique du capitalisme et de la publicité à outrance. Les lunettes y jouent là un rôle central puisque leur pouvoir permet de montrer une réalité froide et angoissante.
Dans l’œuvre Cyberpunk « Johnny Mnemonic », la société est animée par un Internet virtuel, qui a créé un effet dégénéré appelé « syndrome d’atrophie nerveuse ». Le héros est un convoyeur de données qui utilise des lunettes en forme de casque de réalité virtuelle. Là encore, l’anticipation est forte, dans l’utilisation des casques comme dans la lutte pour empêcher le piratage des données personnelles. Encore d’actualité donc.
Un laboratoire du futur ?
Il n’est pas rare que l’on mette en avant les facultés d’anticipation des œuvres populaires. Dans le cas des lunettes, on voit que l’inspiration peut être grande (c’est le cas des lunettes intelligentes d’Iron Man) ou complètement décalée (comme dans le cas d’Invasion Los Angeles). Quoi qu’il en soit, on peut analyser que l’on aime faire de nos objets quotidiens des objets extraordinaires. Si la fiction dépasse bien souvent la réalité, cette dernière peut-elle être en mesure de la dépasser ? Les lunettes et la science-fiction font de toute façon bon ménage.
Pour le moment, rien n’est moins sûr, tant l’imagination humaine n’a pas de limite. Mais il convient de constater que, bien souvent, on tente de faire d’un handicap une force. Et les lunettes, longtemps contrariante, peuvent également offrir cette possibilité.