DOSSIER La mobilité, le futur de l’optique ?
Le monde évolue, et chaque secteur d’activité se doit de le prendre en compte. La décennie qui a démarré est certainement la plus mouvante depuis les années 80. Sur tous les plans, social, démographique, environnemental, des mutations s’opèrent. Le secteur de l’optique ne fait pas défaut. La mobilité de l’opticien prend désormais une nouvelle dimension et risque de s’imposer comme l’une des alternatives les plus viables dans les prochaines années.
Mobilité et Optique : aller « partout où le besoin existe »
À la question : l’opticien mobile est-il un nouveau métier ? nous serions tenté de répondre par l’affirmative. Pourtant, il n’est pas si différent d’offrir un service en boutique et à domicile. Après tout, les coiffeurs ou les infirmiers se déplacent déjà à domicile depuis bien des années. En véirté, le gap entre opticien traditionnel et mobile tient surtout dans l’approche qu’en fait le client. En effet, le service de mobilité se rapproche très nettement de la notion de besoin, au sens premier du terme. Il est concret de mentionner qu’il répond aux besoins d’une population spécifique, du moins pour le moment, et ce, même s’il est ouvert à tous.
L’évolution démographique, dont la tendance est baissière dans nos sociétés occidentales, se démarque par un vieillissement de la population. Couplé à une urbanisation croissante, il entraîne (en combinaison avec d’autres facteurs) une désertification et une raréfaction des services dans les zones rurales. C’est particulièrement vrai pour les services de santé. Ce n’est pas un scoop mais les pénuries dans le secteur médical deviennent de plus en plus inquiétantes.
Aussi, la démarche qui vise à se rendre aux domiciles de patients dont les besoins en optique ne sont plus à justifier prend tout son sens. D’autant plus que, lorsque les possibilités desdits patients s’amenuisent, la tendance est au choix, et celui-ci privilégie rarement l’optique. En effet, le secteur optique se caractérise par un fort taux de renoncement. C’est à dire que, face à la pénurie de moyens, et cela se vérifie chez les personnes âgées, l’achat de lunettes, trop souvent considéré comme excessif au niveau prix, est mis de côté au profit de services médicaux mieux remboursés, ou qui paraissent plus urgents (comme le dentiste).
Les chiffres de la mobilité optique
Trois sociétés principales ont démocratisé le service d’optique à domicile. Il s’agit des Opticiens Mobiles, de l’Opticien qui bouge, et des Opticiens à Domicile, désormais regroupées en un collectif spécialisé (voir plus bas). Mais il ne sont pas les seuls. En ajoutant les opticiens indépendants mais aussi les quelques ensignes qui se diversifient en y ajoutant des services à domicile, on compte environ 1300 opticiens en France. Le premier réseau créé (Les Opticiens Mobiles) l’a été à Lyon par Matthieu Gerber et compte aujourd’hui plus de 60 collaborateurs. L’Opticien qui bouge compte 50 opticiens, et les Opticiens à Domicile environ moitié moins.
Côté clientèle, plus de 60 000 personnes ont fait appel au service. 48 000 bilans visuels ont été effectués en deux ans et un tiers de ces personnes se sont équipées en dispositif optique. En complément, il faut savoir que, si la pratique de la mobilité en optique est reconnue, il n’est pour l’instant pas permis aux opticiens de se rendre sur les lieux publics ou en entreprise pour une intervention personnelle. Il peut toutefois proposer un service à l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise dans le cadre de l’amélioration des conditions de travail. Les examens de réfraction doivent eux, être réalisés en boutique exclusivement.
Expérimentation en cours
Pour autant, la loi du 5 février 2019 visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie a étendu le droit des opticiens (à titre expérimental) à se rendre dans les EHPAD afin de réaliser un examen de la réfraction complet et à délivrer une paire de lunettes sans ordonnance médicale en cas de perte ou de bris des verres correcteurs d’amétropie.
Cette expérimentation a lieu en Normandie et en Centre Val de Loire du 1 janvier 2022 au 31 décembre 2024. À l’heure actuelle, on considère que 47% des résidents ont « révelé un problème de vue et ne portaient pas de lunettes adaptées à leur besoin. » 31% des résidents consultés ont pu être équipés en lunettes. D’autres chiffres préviennent du besoin de faire évoluer le service :
- À partir de 2027, on considère qu’il existera environ 3 millions de Français en perte d’autonomie
- Plus de 65 000 accidents oculaires ont lieu chaque année sur le lieu de travail.
- Plus de 9 millions de Français habitent ou travaillent à plus de 30 minutes de l’opticien le plus proche.
ROAD : le collectif des opticiens mobiles
Commue vu plus haut, les trois entreprises pionnières dans l’optique à domicile se sont réunis pour former le collectif ROAD (pour Regroupement des Opticiens à Domicile). D’après son président, Matthieu Gerber, celui-ci a pour objectif « le développement de l’optique en mobilité, afin de mieux encadrer et de standardiser les pratiques, mais aussi pour partager une charte éthique, et dénoncer les abus éventuels ». Il s’agit aussi de défendre le droit à pratiquer la réfraction et de répondre aux besoins évoqués plus haut. « Notre premier combat avec ROAD, c’est, pour tous ceux qui ont des contraintes de déplacement ou qui vivent dans les déserts médicaux, le développement de la téléexpertise. Le but de ROAD est de valoriser le service que l’opticien de santé en mobilité apporte. »
Les contraintes de temps et de déplacement se sont largement développés ces derniers temps. La crise du Covid-19, mêlée à celle, toujours en cours, du prix de l’énergie, consacre donc l’opticien mobile comme un nouvel acteur d’un secteur qui s’est déjà emparé de la téléconsultation pour tenter d’en améliorer les contours. Pour le magazine « l’Essentiel de l’Optique », les opticiens mobiles « constituent incontestablement l’une des initiatives majeures de ces dix dernières années. Mais trois évolutions sont attendues : la pleine reconnaissance du statut de professionnel de santé, un meilleur partage du financement, la valorisation de l’exercice d’opticien de santé en mobilité comme un métier à part entière. »
Reste à savoir quel sera le développement dans les prochaines années. Mais pour le collectif ROAD et son président, « tous les voyants sont au vert » pour avancer.
Source : L’essentiel de l’Optique, Les Opticiens Mobiles, ROAD