Longtemps, le luxe a fait partie de l’inaccessible. C’est encore le cas dans beaucoup de secteurs. Dans le secteur optique, l’adaptation a été pourtant fulgurante, car la demande s’est ajustée. L’arrivée sur le marché du travail des millennials, en français de la génération Y, les personnes nées entre le début des années 80 et la fin des années 90, a complètement changé la donne pour la lunetterie de luxe.
La lunetterie de luxe : pour et par les millenials ?
On a parfois l’impression que les tendances changent selon la direction du vent, que les modes passent pour revenir quelques décennies plus tard. Le luxe n’a pas forcément ce côté cyclique. Si les grandes maisons savent s’adapter à la demande, elles tiennent tout de même à garder l’identité qui a fait leur force, celle que souvent, une seule femme ou un seul homme a mit toute une vie à créer. Lorsque les accessoires de mode se développent, les lunettes ne font pas exception et font partie intégrante de l’offre de luxe.
Lorsque les millennials se retrouvent sur le marché du travail, leurs valeurs – en terme de consommation – sont à des années-lumière de celles de leur parents. Ainsi, l’eyewear n’en réchappe pas. Il est prêt à craquer pour des marques autrefois considérées comme réservées à un autre niveau de vie. Seulement, il n’y a pas que la demande qui s’adapte, car le millennial n’est pas dupe.
Oui, le consommateur estime qu’il a le droit au « meilleur. » Mais pas à n’importe quel prix. Alors c’est à l’offre, cette fois, de s’adapter. Les marques doivent communiquer différemment d’avec les « baby-boomers. » Encore davantage car de nouvelles technologies de l’information et de la communication apparaissent, et le millennial les maîtrise à merveille.
Ainsi, les marques doivent s’atteler à raconter la bonne histoire. Le storytelling est essentiel, et le consommateur doit être chouchouté. Le secteur optique doit se réinventer. Contrairement aux sacs ou aux chaussures – citons par exemple Louis Vuitton ou Louboutin – dont il ne faut pas être forcément connaisseur pour reconnaître la signature tant elle est marquante, les lunettes jouent dans une autre catégorie. Elles doivent représenter la personnalité – parfois complexe – de celui qui les porte.
Une stratégie qui s’adapte et diffère d’un créateur à l’autre
En 2017, les millennials ont représenté 85 % de la croissance du marché du Luxe. L’avènement des réseaux sociaux, qu’ils sont les premiers à avoir « façonnés » avant que la génération Z ne prenne le relais, a forcé le rapprochement entre marques et consommateurs. Voilà quelque chose de nouveau pour l’industrie du luxe !
Aujourd’hui, les montures optiques et solaires sont les produits de luxe les plus vendus. Et puis, le luxe avait cette faculté de pouvoir sous-traiter sa production à des spécialistes. C’est ainsi qu’à une époque, la plupart des grandes maisons de luxe vont cesser de fabriquer eux-mêmes leurs montures. Et cette stratégie de sceller des accords de licence avec d’autres entreprises pour la fabrication n’est plus forcément à la mode.
Le luxe, face à la demande, et aussi aux impondérables du marché, aux crises qui se succèdent, ont petit à petit repris la main sur leur production. La marque Thelios, filiale née de l’alliance entre Marcolin et LVMH, en est le parfait exemple. Le but avoué est donc bien d’internaliser la production, pour en maîtriser toute la chaîne.
Bien entendu, ce point n’est pas encore une vérité immuable, mais une stratégie qui tend à se confirmer. Des distributeurs comme Kering Eyewear ont fait du luxe leur spécialité. D’autres créateurs, comme Luca de Staël, maîtrisent encore toute leur chaîne commerciale.
Quoi qu’il en soit, les maisons de luxe ont trouvé leur cible, et nul doute que l’arrivée prochaine de la génération Z sur le marché de l’emploi devrait les inciter à faire de même !
La décennie qui vient de s’écouler a profondément transformé le secteur optique. Comme un symbole, elle s’est achevée dans une ambiance étrange, alors que le confinement nous tendait les bras. Tandis que l’inquiétude était de mise avant la reprise, cette dernière a été très forte, montrant que le secteur s’était considérablement renforcé.
Par la suite, l’optique-lunetterie a été considérée comme une activité essentielle lors de la seconde vague. La mutation qui s’est effectuée durant 10 ans ne s’arrêtera pas parce que la crise est terminée. Encore moins par l’arrivée du Covid. Si nous avions précédemment mis le doigt sur les innovations et le service-client, ceux-ci ne sont que la partie immergée de l’iceberg, tant la transformation a été importante.
En tout les cas, la crise planétaire qui nous touche nous permet de dresser un bilan de cette transformation du secteur optique. Malgré les incertitudes, la seule chose certaine, c’est que peu de monde aurait pu la prédire.
La place de l’opticien dans un secteur optique transformé : une réhabilitation ?
La décennie précédente avait en quelque sorte placé l’opticien au simple rang de vendeur, dans le sens péjoratif du terme. C’était sans compter sur la difficulté de l’accès aux soins pour tous. Alors que les temps de rendez-vous chez l’ophtalmologiste s’allongent toujours plus, des décrets historiques rendent possible les examens de réfraction par l’opticien.
En prime, possibilité leur est donnée, sauf cas précisé par les textes, d’adapter les corrections optiques. Si ces décrets ont été rédigés entre ophtalmologistes, opticiens et fabricants, ils ne modifient pas pour autant pleinement le statut de l’opticien.
Quand bien même, l’idée n’est pas de le modifier mais plutôt de faire comprendre que le rôle de l’opticien est profondément complémentaire de celui d’ophtalmologiste. Formé et compétent, l’opticien reste un expert de l’optique-lunetterie et se retrouve, enfin diront certains, considéré comme tel.
L’opticien dans les médias : un virage à 180 degrés
La place qu’occupe l’opticien, et l’optique en général dans les médias, entre les années 90 et 2010, est standardisée. Nouvelle en 90, elle se ternit après 2000. À l’image des fast-food ou des parfums, on note que la concurrence est rude et que les acteurs se copient les uns les autres. Aux innovations d’Alain Afflelou répondent les stratégies d’endossement de Krys ou Optic 2000.
Heureusement, la prise en main par la génération Y modifie la donne. Dans une décennie ultra-numérisée, l’arrivée et l’émergence des réseaux sociaux offrent une palette presque infinie de possibilités. C’est l’occasion idéale de modifier l’image de l’opticien, comme du lunetier.
Pourtant, le démarrage sur le web est difficile. La raison ? Le nombre croissant d’opticiens offre un accès facilité au magasin physique. En prime, faire comprendre que l’achat de lunettes et l’essayage peuvent se faire en ligne revient d’abord à passer pour un fou. Qu’à cela ne tienne, alors que la génération Y arrive sur le marché du travail, elle a confiance dans les outils numériques.
Le média, c’est le phygital !
Le digital peine face au physique ? Pas de problème ! Voici venu l’ère du phygital. Le croisement, l’hybridation de ces deux mondes devient un puissant levier de croissance. Et si le magasin n’était plus le problème, mais le complément idéal ? En gros, on privilégie les avantages du numérique avec des gammes infinies et on les associe à ceux du magasin physique.
Bingo ! L’expérience utilisateur est renforcée. Il n’a plus peur d’être détaché de son commerce de proximité. Au contraire, il en renforce la notoriété, le suit sur les réseaux sociaux, partagent les nouveautés. En 2021, les enseignes de l’optique cartonnent littéralement sur les réseaux sociaux.
Au nombre d’abonnés s’ajoutent une présence de tous les instants et surtout la possibilité de laisser le consommateur découvrir à son rythme les nouveautés, les innovations, les offres. Qui aurait pensé à la fin des années 2010 qu’une page officielle d’opticien pourrait réunir 30 000 abonnés ?
Pour le professionnel, c’est donnant-donnant. Il améliore le suivi de ses clients, se digitalise pour en améliorer la fidélisation. Il s’est quelque peu débattu avec ces avancées technologiques avant d’en cerner tous les atouts. Et d’en faire un outil impressionnant de diversité pour le parcours-client.
Une formation qui s’affine
La formation est aussi l’un des domaines qui a transformé le secteur optique. Alors que seulement cinq établissements proposaient le BTS Optique-Lunetterie dans les années 90, ce nombre a considérablement augmenté pour atteindre désormais la centaine. Si le nombre d’inscrits et de diplômés a quelque peu chuté lors des dernières années, le record a été établi en 2011 avec 2380 reçus.
Ce nombre consistant de diplômés a fortement rajeuni la population d’opticiens entrant sur le marché du travail. Mais il faut reconnaître le revers de la médaille. Face à une forte concurrence et à l’arrivée d’un bac pro Optique-Lunetterie en 2010, la demande s’est vue grandissante et a eu un effet négatif sur la rémunération des nouveaux arrivants.
Bien entendu, cette nouvelle jeunesse et cette conséquence en terme de salaire a forcé la mutation du secteur. La fibre entrepreneuriale de cette génération a conduit certains d’entre eux à sortir des sentiers battus et à imaginer un métier différent, tant dans la fabrication des produits que dans l’offre proposée.
Dès 2015, le rapport Voynet propose une réforme en profondeur de la formation en Optique-Lunetterie. Cette fois, c’est vers une masterisation que l’on se dirige. Au final, le CNOF (Collège National des Opticiens de France) acte le diplôme en trois ans, mais les débats font toujours rage. Ce qui est sûr, c’est que la question de la formation restera, dans cette nouvelle décennie qui s’ouvre, sur un coin de table.
Des innovations en pagaille
L’avènement des GAFA, propre à une véritable révolution numérique, a bien entendu révélé de multiples ambitions et investissements. Alors que les téléphones intelligents cartonnent dès leur sortie en 2005, la tech se tourne rapidement vers les autres objets connectés.
Montres puis lunettes deviennent des objets sociaux, et même si les montures optiques tardent à se perfectionner et se démocratiser, un retour en arrière n’a jamais été à l’ordre du jour. Surtout, la mise sur le marché des dernières innovations du secteur optique s’est considérablement accélérée ces cinq dernières années.
Et les lunettes ne sont pas les seules à profiter de cette révolution numérique. Lentilles, accessoires, applications mobiles ont germé dans les cerveaux des start-up pour améliorer la sociabilisation des malvoyants, les prises de mesures chez l’optométriste ou encore des verres à mise au point automatique.
Nul ne doute que de nombreuses idées innovantes sont encore en phase de recherche et développement et que la décennie qui arrive devrait confirmer ce point, qui s’est donc fortement concrétisé lors des années 2010-2020.
La décennie 2010 s’est propagée tout en haut des années qui compteront dans le secteur de l’optique, profondément transformé. Rares furent celles qui ont pu connaître autant de bouleversements, qu’ils soient législatifs, générationnels ou numériques. Toujours est-il que le secteur, s’il s’est transformé, a fait preuve d’une remarquable résilience et d’une agilité hors du commun.
Face aux incertitudes des ces derniers mois, ce point montre toute sa force et laisse augurer nombre de nouveaux changements.
Source : Essentiel de l’Optique, Le Figaro